Pierre Coulibeuf est un artiste plasticien et cinéaste français né en 1949 à Elbeuf.
Depuis 1987, le travail de l'artiste joue avec la plasticité de la narration et l'interdisciplinarité à travers des fictions expérimentales sous la forme de courts et longs métrages tournés sur support argentique 16 et 35mm. Venant aussi bien puiser dans les cultures du Nouveau Roman, de la performance, du cinéma, de la chorégraphie, de l'architecture ainsi que des modes de présentation de l'image (projection 35mm, installation vidéo, photographie), - son œuvre s'intéresse au corps, au geste et à l'espace comme des éléments malléables et interdépendants, mais aussi aux lieux comme personnages à part entière de ses visions mentales.
Ainsi, les lieux ne sont jamais réduits à de simples décors chez Pierre Coulibeuf : ils constituent la matière première de ses films. De la même façon, les interprètes de ses fictions ne sont pas seulement des acteurs mais bien souvent, des artistes du champ de l'art contemporain dont les univers mentaux inspirent à Pierre Coulibeuf des portraits imaginaires. Il ne s'agit donc pas de performances filmées mais de glissements incessants entre jeu d'acteur et performance dans un constant brouillage des frontières.
L'œuvre de Pierre Coulibeuf est cyclique : le principe de métamorphose et le simulacre tel que théorisé par Pierre Klossowski, y occupent une place prédominante. Les univers des autres artistes, comme ceux de Jan Fabre, de Jean-Marc Bustamante ou de Michelangelo Pistoletto, se métamorphosent au contact des visions de Pierre Coulibeuf, donnant ainsi naissance à une œuvre tout à fait indépendante nourrie de cette rencontre.
Dans son travail, Pierre Coulibeuf fait voler en éclats les catégories de l'art ainsi que les genres du cinéma. Il ne cherche pas à montrer la production des artistes présents dans ses films, mais construit ses films par la mise en scène d'actions suscitées par son propre projet artistique.
Ce que filme l'artiste réalisateur, c'est la relation qu'il entretient à l'œuvre ou aux univers mentaux d'autres artistes, à travers des fictions où la distinction entre l'artiste et sa production devient de plus en plus trouble : en faisant jouer aux artistes leur propre rôle, Pierre Coulibeuf fait d'eux les « acteurs » d'une autre œuvre, mais aussi des « fantômes » de la leur, à l'intérieur même de son œuvre.
L'œuvre de Pierre Coulibeuf, lorsque celui-ci la conçoit à partir d'une autre œuvre, interroge le concept même d'identité à travers des visions mentales, qui transforment à la fois l'identité et l'œuvre de l'autre artiste.
Dans la plupart des œuvres de Coulibeuf, on retrouve le motif labyrinthique et, dans l'architecture même de ses films, une narration circulaire rythmée par des jeux de séquences qui se répètent et fragmentent le sujet. Le motif du labyrinthe (notamment présent dans Dédale ou Enigma) aux multiples entrées, où l'on se perd physiquement et symboliquement, où l'on revient sur ses pas et où tout semble se ressembler, illustre le principe de répétition-variation qui traverse tout le champ d'expérience de Pierre Coulibeuf.
Les films tournés sur support argentique 35mm constituent toujours la genèse des installations de Pierre Coulibeuf : l'image fixe est à l'origine de l'image en mouvement et, réciproquement, l'image en mouvement génère des images fixes sous la forme de photographies. À nouveau, le concept de simulacre, par la constante opération de dédoublement voire de mise en abyme de l'image, semble s'étendre à toutes les manifestations plastiques de Pierre Coulibeuf. Ainsi, ses dispositifs d'installation incluent des projections de scènes extraites de ses courts ou longs métrages, déconstruites puis reconstruites, devenant des œuvres indépendantes des films dont elles sont issues. Remontées sous forme de boucles, elles contribuent à appuyer la dimension labyrinthique qui structure le cinéma de l'artiste.
En résumé, l'œuvre de Pierre Coulibeuf relève bien du simulacre, par rapport aux univers dont il peut s'inspirer ; en créant ses images, il accomplit une métamorphose des différents éléments qui entrent en jeu dans ses films. Les concepts d'altérité et d'identité ne s'opposent pas chez l'artiste : ils participent conjointement à donner du sens à l'ensemble de ses productions tout en repoussant les limites des codes de la représentation visuelle. Que ce soit en termes narratifs ou temporels, ses œuvres échappent à la linéarité.